La sécurité privée, jadis symbolisée par l’Agent de sécurité, est en train de muer vers l’univers de la High tech : caméras de vidéosurveillance, Big data, intelligence artificielle, reconnaissance faciale, drones, etc. sont en train d’envahir la profession. Alexandre CARRÉ (Animateur) et Patrick HASS (Spécialiste, Rédacteur en chef de AGORA MAG SECURITE) interviewent Servan LÉPINE, Président du collège « Hommes et technologie » du SNES, et Jean-Christophe CHWAT, Président de la fédération GPMSE, pour Les Débats de la webtv d’AGORA MAG.

 

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Pour ceux qui souhaitent un résumé, je vous invite à lire la suite :

 

Contexte

Alexandre CARRÉ nous décrit le contexte actuel :  » La sécurité privée connait de profondes mutations sur le long terme. Les donneurs d’ordre font moins appel à des Agents de sécurité mais davantage à du matériel électronique. Il ne s’agit plus de sécuriser simplement une entrée mais dorénavant tout un site. En cause : Les technologies ont fait beaucoup de progrès, mais aussi les attentats terroristes. »

 

L’humain va-t-il disparaître sur le terrain ?

Pour Servan LÉPINE : « Certainement pas ! Les Technologies s’invitent depuis plus de 20 ans dans les missions de nos Agents »

Point de vue partagé par Jean-Christophe CHWAT qui rajoute : « On ne va pas avoir MOINS d’Humain mais on va avoir MIEUX d’Humain ! »

 

Servan LÉPINE interrompt le débat pour reformuler : « Je préfère parler de ‘surveillance humaine’ pour valoriser les Hommes, à la simple notion de ‘gardiennage’ » qu’il juge obsolète. De plus par cet emploi de vocabulaires, il espère amener les Agents de sécurité vers les nouvelles technologies. Il estime d’ailleurs les équipements suivants présents aux JO de Paris en 2024 :

  • algorythmes, pour détecter les comportements caractéristiques
  • drones
  • équipements mobiles de sécurité, vidéosurveillance
  • centres de supervision locaux, qui permettront d’interfacer les missions des Agents de sécurité de proximité associés aux Technologies

 

Et d’ajouter : « 2024, c’est demain ! On est à la confluence d’émergences technologiques (robotique…). »

 

Buts ultimes :

  • TRACABILITÉ
  • EFFICACITÉ dans le rapport des Forces privées et publiques
  • MEILLEURE MAÎTRISE des actions contre les populations

 

Alexandre CARRÉ met l’accent sur un besoin: « Nouvelles formations pour cette surveillance humaine, pour mieux réaliser l’adéquation Homme & Technologie »

 

Jean-Christophe CHWAT complète avec : « Les technologies sont là, accessibles, éprouvées… Ce qu’il reste peut-être à faire : faire évoluer le droit ! » Il prend pour exemple la reconnaissance faciale qui est inexistante en France aujourd’hui (fin 2018) alors qu’ailleurs elle est même exploitée sur le domaine public (en gare de Madrid…). Et de poursuivre : « Nous avons : la Technologie + la volonté + les Hommes. Il ne reste plus qu’à faire évoluer le droit [législation française]. »

 

La France est-elle en retard dans cette mutation de la surveillance humaine vers la sécurité électronique par rapport à d’autres pays européens, asiatiques ou américains ?

Jean-Christophe CHWAT confirme. « Le GPMSE travaille depuis quelques mois maintenant avec ses homologues à ‘étranger pour essayer de comparer, de regarder. » Il rajoute : « La France est extrêmement en retard ! » Il poursuit avec : « Le CNAPS a fait beaucoup pour faire évoluer le droit, les mentalités, la réglementation, le nettoyage de la profession… mais néanmoins ça ne va pas assez vite, pas assez loin. » Et se défend de faire de la futurologie en disant : « Il n’y a qu’à regarder ce qui se passe ailleurs, à commencer par l’Europe (Espagne, Belgique, Italie). Là-bas, on se sert de la technologie pour ce qu’elle a de mieux, pour mettre en place une VRAIE sécurité !« 

 

Est-ce que la profession de la Sécurité a les moyens financiers d’investir dans les nouvelles technologies ?

Jean-Christophe CHWAT pense que « la première chose à faire est de travailler sur la concentration de la profession de la sécurité – trop fragmentée aujourd’hui -. »

 

À la question de Alexandre CARRÉ :

« Est-ce que les JO de Paris en 2024 seront une vitrine de la Technologie et de la Sécurité en France ? 

Servan LÉPINE répond : « D’ici 2024, si on veut vraiment pouvoir développer ces nouvelles technologies dans le cadre urbain, il va falloir faire évoluer la réglementation ! »

Et poursuit avec :  » On voit que le couple Homme-Technologie va fonctionner par des plateformes de services 24/24 qui vont, soit en local soit déportés, pouvoir mutualiser la gestion de ces informations et la coordonner avec els moyens humains. Derrière cela, ces plateformes sont en connexion avec les Forces de l’Ordre à travers une réglementation spécifique (totalement obsolète aujourd’hui – datée de 2007 – car aucun moyen n’est prévu pour leur envoyer des séquences vidéo pour pouvoir se coordonner).Donc si on doit se préparer à 2024, il va falloir se mettre autour de la table tous ensemble, de façon constructive, dans le but de voir dans quel cadre on peut faire évoluer un certain nombre de choses (notamment les drones). » Et de poursuivre à ce sujet : « Lors du Salon Expoprotection, le SNES a interpellé Philip ALLONCLE (nommé Délégué aux opérations de sécurité) sur comment mieux sécuriser les réseaux, mieux protéger les libertés individuelles, mieux valoriser les compétences de nos Agents de sécurité, faire évoluer éventuellement les formations… »

 

Il en ressort un besoin de cohérence globale (sur les plans qualitatif et financier), de meilleurs échanges, de meilleurs intéractions.

 

Quel peut être le rôle des GAFA (Google, Apple, Facebook, Amazon) ? Quelle est leur place au sein de la sécurité électronique ?

Pour Jean-Christophe CHWAT : « Leur champ d’investigation est aujourd’hui plutôt en BtoC mais à nous de ne pas leur laisser la place qui doit être la nôtre [entreprises de sécurité] en BtoB ! Une chose est sûre : en R&D, ils feront plus vite que nous grâce à leur énorme surface financière. Et ils iront aussi plus loin sans doute. Nous, nous aurons la proximité + On saura proposer des solutions, des solutions packagées et non des toutes faites. »

 

Servan LÉPINE de rajouter : « Il faut être extrêmement vigilants sur l’émergence de ces GAFA. Ils ont réussi à passer outre les réglementations fiscales, ils passeront outre les réglementations liées à la sécurité intérieure ! Et là il y aura un VRAI défi pour nous, nos entreprises, l’État : sécuriser les réseaux, les installations électroniques de manière générale ou informatiques, de façon à sécuriser les lieux, les biens et les personnes. »

 

Patrick HAAS continue : « Le grand problème est que les GAFA misent plutôt sur le marché BtoC, mais qu’ils investissent aussi dans les sociétés de sécurité électronique qui, elles, sont spécialisées sur le créneau du Professionnel. Et ça, c’est vraiment dangereux ! » 

 

Dans la sécurité électronique, et notamment en vidéosurveillance, quels sont  les avantages ?
Vers quoi va-t-on ?

Servan LÉPINE : « Pour moi, ça va être une révolution ! Parce qu’il faut savoir qu’aujourd’hui on ne traite que 5% des informations qu’on recueille et que demain, avec l’intelligence artificielle, nous allons pouvoir analyser TOUTES les informations qu’on reçoit en permanence de chez nos Clients, et qui permettront peut-être de détecter beaucoup plus facilement un événement ou une série d’événements anormaux. Et du coup ça va permettre de renforcer la sécurité. Avec la vidéosurveillance de la même manière, si on observe des comportements qui n’ont pas été programmés mais que la machine aura d’elle-même identifiés, et bien là nous aborderons une nouvelle dimension de nos métiers !« 

 

Par rapport au cas de figure des attentats :

Servan LÉPINE : « Pareil ! Aujourd’hui, quand on voit la puissance des caméras thermiques et des caméras optiques qui se conjuguent… Et qu’à travers des notions d’élévation de température, de résistance thermique globale, des individus, on puisse filtrer cela – et de façon massive ! -, la machine pourra interpeller le Téléopérateur qui observera cet événement… Et bien, on gagnera en efficacité ! Et c’est la vraie clef de demain ! »

 

Patrick HAAS résume le principe suivant : « Pouvoir détecter les phases de repérage des Terroristes avant le passage à l’acte »

Et cite : « L’IA va permettre à terme de réduire, voire d’anéantir, le coup d’avance du terrorisme. Ce qui équivaut à l’attaque de la riposte. C’est bien cela ? »

Servan LÉPINE : « Peut-être. Mais il faut rester modeste. Je revendique très fortement ce couple Homme-Technologie. La Technologie va aider à l’analyse. Toutefois, on aura toujours besoin de l’Homme qui discernera et ajustera les comportements à adopter.« 

 

Alexandre CARRÉ : « La Technologie fera que ça va aller plus vite, et que ce sera plus facile pour analyser le comportement de l’être humain ? »

Jean-Christophe CHWAT : « Sans aucun doute. » Il rejoins l’idée de Servan LÉPINE sur la nécessité d’avoir des Hommes derrière cette Technologie, qui opèrent cette technologie. « Et plus la Technologie est performante et plus l’aspect de la formation est important » Et de rajouter : « Plus la Technologie investira le champ de la sécurité privée, plus il conviendra de se protéger des cyber-attaques, des cyber-menaces. Laurent DENIZOT (DG d’Egidium Technologies) a raison : la Technologie doit nous aider à avoir un coup d’avance. » Et de schématiser : « Il nous faut l’Homme + la Machine + une couche enveloppante e Cyber-sécurité, pour rendre notre dispositif le plus difficilement attaquable. »

 

Formations plus élevées donc plus intéressantes pour l’être humain. Est-ce que ça veut dire salaires plus élevés ?

Servan LÉPINE : « De façon évidente ! » Et de poursuivre : « Et puis aussi valoriser ces métiers avec des spécialisations permettra aux Agents d’être mieux reconnus dans leur entourage social mais aussi professionnel. »

 

Patrick HAAS : « La difficulté est que la Sécurité a des difficultés de recrutement à cause justement d’un manque de reconnaissance actuelle. »

 

 

Conclusion :

Alexandre CARRÉ : « Dans la globalité, il faut que vous vous réunissiez TOUS pour être plus forts et que ça avance plus vite. »

Jean-Christophe CHWAT de répondre : « On est en train de le faire. »